Les pirates, l'imaginaire et le droit

Le Ven 09 mars 2012

Dans Actualité juridique

Loin de l'image romantique qu'ils peuvent parfois évoquer, les pirates ont été ab initio perçus comme les plus grands ennemis de l'humanité, concrétisant, malgré eux, autour de leurs méfaits, un vocabulaire qui sera repris dans la conceptualisation et la répression moderne des crimes contre l'humanité.

Les pirates auront aussi réussi à être à l'origine de l'élaboration de la notion d'infraction internationale, et ce n'est pas une coïncidence de retrouver la piraterie actuelle au coeur de la symbolique de la mondialisation: l'espace aèrien, l'espace maritime et internet.

En l'absence d'autorité supranationale apte à rendre des décisions en la matière, les conventions internationales ont posé une régle essentielle: les navires qui se trouvent en haute mer relèvent de la compétence exclusive de l'Etat de leur pavillon.

Toutefois, si un délit est commis à bord, il existe une concurrence de compétence entre l'Etat du pavillon et l'Etat national de celui qui a commis l'infraction.

Enfin, troisième niveau, en cas d'abordage commis en haute mer, la compétence est alors dévolue à l'Etat "capteur", quel que soit le pavillon du bateau-pirate et qui que soit le pirate.

Néanmoins, et c'est ce qui me ramène en France, une option peut être posée par l'Etat dont le navire abordé porte le pavillon.

Lorsque le 4 avril dernier, le Ponant, battant pavillon français, est attaqué par les pirates, il est en haute mer.

Il entre ensuite dans les eaux territoriales somaliennes.

La France doit donc avoir l'aval des autorités nationales (le gouvernement transitoire) pour continuer la poursuite, le droit de suite. Ce qu'elle obtient.

Le bateau amarre sur la côte mythique du Puntland, et les forces armées françaises finalisent leur intervention avec un succès déjà salué.

Les pirates seront jugés en France: côté international, l'aval a été donné par les autorités somaliennes, côté français le Code de Procédure pénale (article 689-5) assure l'interface en posant un régime juridique spécifique de compétence universelle des juridictions françaises dans ce cas où le navire pris d'assaut battait pavillon français et où les victimes étaient également ressortissants français.

Malgré cette victoire, les statistiques sont cruelles: 3200 marins pris en otage en dix ans, 500 blessés et 160 tués.

C'est ainsi qu'a été adoptée la résolution 1816 en juin dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU qui, entre autres, autorise pour une période de six mois renouvelable, certains pays "à pénétrer dans les eaux territoriales de la Somalie dans le but de réprimer la piraterie et le vol à main armée en mer".

La France avait proposé la création d'une force internationale sous mandat des Nations Unies.

Nous n'en sommes pas là.

Toutefois, des moyens juridiques concrets ont été mis en place pour rendre efficace la lutte contre la piraterie et freiner son développement.

Pour l'instant.. et tant que les pirates ne sont pas des corsaires...