Les droits des pères

Le Mar 13 mars 2012

Dans Actualité juridique

Ce billet est spécialement dédicacé à un ami, futur papa, et révolté de la place qu’il pense être la sienne dans notre ordre juridique.

J’espère le rassurer avec ces quelques considérations sur la base des pires scenarii possibles, qui je le souhaite, ne se réaliseront jamais…

La figure paternelle : si le père d’aujourd’hui n’est plus le pater familias romain qui avait droit de vie et de mort sur femme, enfants et esclaves, il reste que le bonus pater familias, ancré dans notre droit par le code Napoléon, perpétue une tradition patriarcale qui n’est contestée que depuis peu de temps. L’égalité consacrée entre hommes et femmes ne videra pas de sa substance juridique la notion de « bon père de famille » qui confirme aujourd’hui encore la persistance de ce patriarcat.

La conception : ici point de droit mais des responsabilités partagées qui sont assumées ou non… Précision étant faite que le droit français ne reconnait pas la possibilité à une femme seule ou à un couple homosexuel féminin de recourir à la procréation médicalement assistée et ne permet pas de recourir à une procréation post mortem (ce qui est le cas par exemple de la Belgique et de l’Espagne).

Le choix éventuel de l’avortement : si le père (en puissance) a été moins convaincant pour garder l’enfant que pour le concevoir, il faut préciser que la France est l’un des pays les plus restrictifs concernant la période sur laquelle l’IVG est légalement autorisée (12 semaines de grossesse/14 d’aménorrhée) (sans délai au Canada)… c’est un sujet qui fâche… sur lequel s’opposent de surcroît les convictions personnelles et pour lequel aucune autre solution ne semble satisfaisante.

La naissance : oui, la maman peut cacher la naissance au papa et oui, la maman peut accoucher sous X. Mais dans ce cas, le papa peut en informer le Procureur de la République qui procèdera « à la recherche des dates et lieu d’établissement de l’acte de naissance de l’enfant » (article 62-1 du Code civil).

La reconnaissance : le papa peut reconnaître son enfant dès avant la naissance, dans n’importe quelle mairie, même sans connaître la date et le lieu de naissance, le problème étant ensuite celui de la transcription sur l’acte de naissance … après le premier anniversaire de l’enfant, cette reconnaissance devra être doublée d’une procédure pour obtenir l’autorité parentale devant le Tribunal de Grande Instance. Il peut y avoir des complications si un autre monsieur, pensant ou non être le père, a également reconnu l’enfant…

L’autorité parentale : le Code civil la définit comme « l’ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé ou sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Le papa est associé aux décisions importantes et si ce n’est pas le cas, il peut entamer une procédure pour obtenir des dommages-intérêts : après cette étape, si ce n’est pas par respect que la maman comprend la notion d’autorité parentale, ce sera au moins par intérêt !! Lorsqu’il y a désaccord, le Juge peut également trancher.

La séparation : mais non les papas ne sont pas déconsidérés par les Juges et si les statistiques montrent que la plupart des enfants vivent avec leur maman après une séparation, c’est simplement parce que ce ne sont pas tous les papas qui espèrent une garde alternée ou obtenir la résidence de leur enfant… la procédure est longue des deux côtés de la barre et doit se préparer dans le respect de l’autre parent et de l’enfant, respects sous-jacents à l’idée d’autorité parentale évoquée. Pas de victimisation sous peine de perdre en crédibilité !

Après la séparation : une fois la situation fixée par une décision de justice, le papa qui ne peut pas exercer ses droits de visite et d’hébergement, ou qui ne peut pas récupérer son enfant si celui-ci réside chez lui, peut tout autant que la maman solliciter les forces de l’ordre pour « non représentation d’enfant » (1 an de prison, 15.000€ d’amende). Dans certaines communes les forces de l’ordre jouent parfois les médiateurs et la solution est trouvée sur le champ. De même la maman qui part sans laisser d’adresse peut être poursuivie pour « défaut de notification de changement d’adresse par le gardien d’un enfant mineur » (6 mois de prison, 7.500€ d’amende).

Si la place du père existe dans la Loi, elle est difficile à se donner à soi. Et la nature, si ingénieuse pour encourager la reproduction, n’est pas aidante dans ce franchissement qui ne se fait qu’à trois…