Deux anniversaires pour une approche cohérente et bienveillante de l’enfance délinquante

Le Ven 20 nov 2015

Dans Actualité judiciaire

Le CDAD de la SOMME (Conseil Départemental de l’Accès au Droit) a organisé le 19 novembre 2015 à AMIENS un colloque intitulé «70 ans après l’Ordonnance de 1945, où en est la justice des mineurs », visant à faire le point tant sur l’évolution du texte que sur la façon dont il est concrètement appliqué dans la SOMME. Unnamedunnamed.jpg

Bilan utile à l’heure où Madame TAUBIRA a annoncé une réforme de cette Ordonnance qui a déjà  fait l’objet de nombreuses évolutions (37 modifications à ce stade - http://www.justice.gouv.fr/justice-des-enfants-et-des-adolescents-12754/).

En 2015, les 70 ans de l’adoption de l’Ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante sont célébrés, dont le préambule de l’exposé des motifs est ainsi rédigé :

« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l'enfance traduite en justice. La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. La guerre et les bouleversements d'ordre matériel et moral qu'elle a provoqué ont accru dans des proportions inquiétantes la délinquance juvénile. La question de l'enfance coupable est une des plus urgentes de l'époque présente ».

Par ailleurs, chaque année, le 20 novembre est célébrée l’adoption en 1989 de la Convention de New York sur les droits de l’enfant par la résolution 44/25 par l’ONU, dont l’article 40.1 est ainsi rédigé :

« Les Etats parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. »

Ayant posé le postulat d’une justice des mineurs indépendante, différenciée, spécialisée dès 1945, la FRANCE s’érige donc en précurseur d’une Justice moderne et adaptée à la conceptualisation naissante de l’adolescence, elle-même subséquente à l’émergence de la notion-même de l’enfance.

Il faut rappeler que ce n’est qu’à l’issue de la Révolution, lors de la promulgation du Code criminel de 1791 qu’une Justice instituant un régime de pénalités différent en fonction des âges est créé et en 1810, l’âge de la majorité pénale est fixé à 16 ans.

Le travail des enfants de moins de 10 ans est interdit dans les mines à compter d’un décret impérial de 1813, complété en 1841 par l’interdiction du travail des enfants de moins de 8 ans selon les industries et le limitant les nuits et le dimanche. En 1851 les enfants de moins de 14 ans ne peuvent travailler plus de 8 heures par jour et ceux de 14 à 16 plus de 12 heures par jour…. L’enfant est un petit homme et les voix s’élèvent, de plus en plus fortes, pour lui reconnaitre son droit à l’enfance (cf. par exemple le bouleversant poème de Victor Hugo Melancholia – 1856 melancholia.pdfmelancholia.pdf).

En 1882, la « Loi Ferry » rend obligatoire l’instruction primaires de enfants des deux sexes âgés de 6 à 13 ans (porté à 16 ans en 1959).

En 1912 sont institués les Tribunaux pour Enfants  et trois classes de mineurs sont distinguées (moins de 13 ans, 13 à 16 ans et 16 à 18 ans).

Un siècle plus tard, ces catégories restent peu ou prou inchangées et la justice des mineurs les utilise toujours pour fixer le régime de la garde à vue, des peines applicables et le risque de détention provisoire par exemple.

En ce qui concerne la garde à vue, pour concrétiser l’exemple de façon schématique (il existe des exceptions), le mineur de 10 à 12 ans ne peut être retenu que 12 heures, pour des infractions particulièrement graves,  et l’intervention d’un avocat et d’un médecin à ses côtés sont obligatoires, tandis que le mineur de 13 à 15 ans peut être placé en garde à vue 24 heures pour les délits les plus simples et que le régime du mineur de 16 à 17 ans est quasiment calqué sur celui des majeurs.

En terme de statistiques (chiffres 2013), rappelons que 3,6% de la totalité des mineurs (c’est-à-dire 234.000 sur 6,5 millions) ont été impliqués dans une affaire pénale et que, si l’on considère la totalité des infractions commises, celles-ci le sont pour 90,5% par de majeurs contre 9,5% par des mineurs, mineurs qui se rendent coupables le plus souvent d’atteinte aux biens sans violence (vols simples, dégradations, vols de voiture…).

Dans 66% des cas, le premier contact du mineur avec la Justice sera le seul au cours de sa minorité.

Il convient de préciser par ailleurs que le taux de réponse pénale dans les affaires impliquant les mineurs est en constante évolution (passant de 60% en 1994 à 94% en 2013), ce qui est l’un des quatre axes d’évolution de l »ordonnance de 1945 jusqu’à présent avec entre autres l’accélération des procédures et la diversification des outils à disposition du Juge des Enfants.

Les axes de la réforme à venir semblent être une simplification du texte, afin de le rendre plus cohérent et une évolution du parcours judiciaire du mineur pour replacer la déclaration de culpabilité et l’indemnisation des victimes éventuelles au plus près de la commission de l’infraction, et donner aux Magistrats les moyens d’une action et d’un suivi en aval réellement adaptées à la situation du mineur.

L’objectif commun des intervenants (Magistrats, avocats, éducateurs, institutions, psychologues…) est bien sûr de faire en sorte que ce futur adulte, certainement futur parent, puisse avoir les clefs de son épanouissement personnel et de sa bonne insertion socio-professionnelle et familiale.

Car les belles déclarations d’intention des dispositions rappelées plus haut ne sont pas que des vains mots : elles sont véritablement vécues comme un objectif à atteindre, avec humanité et détermination, par tous les intervenants auprès de l’enfance en danger.